D’aussi loin qu’elle se souvienne, Susin Nielsen a voulu être écrivaine. D’ailleurs, elle a retrouvé dernièrement un journal intime commencé quand elle avait onze ans et elle avoue avec un sourire qu’il y était écrit : « Je commence ce journal parce que je voudrais être une écrivaine et, si un jour je suis célèbre et que quelqu’un veut écrire un livre sur moi, au moins il aura de la matière. » C’est toutefois vers la télévision qu’elle s’est tournée en premier parce que tout ce dans quoi elle était douée c’était « lire, écrire et regarder la télé » (mais on en doute !).
Après une première année sur le tournage de Degrassi High school passée à servir les boissons et les muffins, elle a été invitée à écrire les grandes lignes de ce qu’elle imaginait comme intrigue pour ses personnages préférés lors de la saison 2. Le réalisateur n’a pas aimé ce qu’elle a écrit, mais il a reconnu une étincelle dans sa plume et lui a donné la chance d’écrire un épisode… qui s’est transformé en seize sur deux saisons. Mais l’écriture sans plan défini, l’écriture libre intéressait beaucoup Susin et, au bout d’un moment, une petite voix est apparue dans sa tête. La voix d’Ambroise Bukowski. Elle elle a décidé d’écrire son histoire, Les maux d’Ambroise Bukowski, qui est devenu son premier roman publié.
C’est d’ailleurs toujours ainsi qu’elle écrit, partant de ses personnages pour créer les intrigues. Quand elle commence un roman, elle a toujours une idée de la fin, mais elle se laisse porter. D’ailleurs, elle affirme que « les meilleurs moments d’écriture sont ceux où les personnages décident de sortir du scénario ». On la sent très près d’eux et c’est d’ailleurs pour cela qu’ils refont des apparitions dans au fil des livres. Comme toutes ses histoires se déroulent à Vancouver, il est naturel que certains personnages se croisent et cela lui permet de prendre des nouvelles de chacun. Pour ce qui est des histoires, c’est un peu tout qui l’inspire. Par exemple, pour le Journal malgré moi de Henry K. Larsen, c’est une phrase tirée d’un livre sur un réel attentat aux États-Unis qui a été le déclencheur, plus spécifiquement une phrase. « J’ai lu que le tueur avait un frère. Et je n’avais jamais pensé à la famille d’un tueur. Ou enfin, si j’y avais pensé, j’aurais pensé à une famille de monstres qui élève un monstre. Toutefois c’est mon rôle comme auteure d’explorer les nuances de gris. » C’est ainsi qu’est né Henry et que sont apparues les premières scènes : les cendres sous le lit, le besoin de thérapie, le père…
Mais même lorsqu’elle va vers des thèmes plus sombres, il y a beaucoup d’humour dans les livres de Susin Nielsen, d’abord parce que c’est ce qu’elle aime lire et ensuite parce qu’il y a déjà beaucoup de livres très durs, tristes en littérature pour adolescents. Pour elle, l’humour des personnages, les fins lumineuses, l’espoir, sont des éléments essentiels. Elle admet toutefois avoir beaucoup de plaisir à faire rire le lecteur sur une page à le faire pleurer sur la suivante. « C’est de la manipulation émotionnelle, je sais bien…»
Il y a aussi une part d’elle dans chacun des personnages, d’ailleurs tous ses livres sont écrits à la première personne. Si elle croit y arriver parce qu’«une partie de [s]on cerveau a cessé de grandir à 13 ans», c’est aussi parce qu’elle est encore très près des émotions de cette époque, qu’elle en garde un souvenir puissant. Nous sommes tous faits de molécules est d’ailleurs né de l’idée d’écrire à propos d’une famille recomposée, sa propre mère s’étant remise avec un homme qui avait quatre enfants. « J’étais très heureuse d’avoir déjà quitté la maison le jour ou ils ont emménagé parce que j’aurais surement réagi encore plus difficilement qu’Ashley. J’en suis gênée, mais j’étais un peu comme elle à l’adolescence…»
Quand on lui parle de sa vie, Susin Nielsen dit n’avoir aucun autre talent que l’écriture, mais il suffit de la côtoyer une journée pour sérieusement douter de cette déclaration. En effet, cette auteure s’intéresse à tout, a une capacité extraordinaire à créer des liens et à mettre tous ceux qui l’entourent à l’aise. C’est une femme et une auteure inspirante et on espère avoir la chance de la lire longtemps encore. Vivement aout pour le prochain livre en français !
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