Quand Leo voit Maryam se faire agresser par son amoureux sous l’escalier, elle a trop peur pour réagir. Du sentiment de culpabilité qui l’envahit ensuite naitra une amitié forte avec Maryam, qu’elle accompagne dans sa quête pour obtenir justice. Toutefois, quand le directeur choisit de « protéger » les victimes en interdisant toute tenue vestimentaire provocante au lieu de punir l’agresseur, Leo décide qu’il est temps de se rebeller, à leur manière. Vous ne voulez pas nous entendre ? Vous ne nous entendrez plus. Et si, sans violence, avec une puissante symbolique, la force du groupe pouvait faire changer les choses ?
Écrit en vers libres, ce récit percutant parle d’agression, de sororité, de rébellion, de non-binarité et d’adolescence en visant un public intermédiaire.
Je commencerai en disant que Le silence est à nous est le meilleur roman en vers que j’ai lu depuis longtemps. Il y a ici un parfait agencement entre la forme et le fond, alors que le rythme des mots épouse tantôt la douceur de Leo, tantôt la force de son besoin de se révolter contre les règles du monde dans lequel iel vit et l’absence de réelle écoute de la part de nombreux adultes. Le texte est littérairement riche, parsemé d’anaphores, d’assonnances, d’allitérations, et d’oxymores, entre autres, mais il est aussi lisible et la forme ne prend pas le pas sur le fond : plusieurs phrases sont marquantes non pas parce qu’elles sont joliment tournées, mais bien parce qu’elles révèlent des réalités puissantes (il y a tellement de citations que j’ai voulu conserver !).
« comment fait-on pour pousser droit
pour ancrer nos racines dans un sol tangible
quand le monde est si friable ? »
Ce n’est pas la première fois que je suis emballée par une œuvre de Colline Pierrée et c’est aussi parce que cette autrice semble avoir un talent tout particulier pour saisir la sensibilité d’un moment, d’un univers. Ici, à travers cette histoire toute personnelle, on sent toute la fragilité des droits des femmes, des minorités. Après le #metoo et les changements qui en ont découlé, on a eu espoir. Mais la réalité, c’est que les femmes ont encore peur. Avec raison.
« je me demande à quoi ressemblerait une vie où
on ne se demanderait pas
comment fabriquer une arme avec ses clés »
Il y a aussi dans Le silence est à nous une justesse du ton, des voix des adolescent·es mis·es en scène, des adultes (même si on en secouerait certain·es) ou encore de la transformation qu’on sent en Leo, tout doucement, au fil du temps et des rencontres, alors que sa façon d’affirmer ses convictions dans la « tempête du silence » lui donne le courage d’affirmer qui iel est, au final. Je suis ressortie de cette lecture à la fois révoltée et apaisée. Fâchée contre certaines réalités qui refusent de changer malgré l’engagement de plusieurs, contre cette violence qui vient parfois de là où on ne l’attend pas du tout.
« les monstres ne se cachent pas sous les lits
ils ne sont pas tapis dans les ruelles sombres
ils sont tapis dans l'ordinaire et le familier
ils sont tapis dans notre confiance »
Confiante néanmoins que d’autres poursuivront les luttes, à leur façon. Et que notre devoir est de les encourager et de les appuyer, sans prendre la parole à leur place.
En bref ? Une superbe lecture, à suggérer aux ados, oui, mais aussi aux adultes qui les accompagne au quotidien !
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