« Le spectacle de l'océan, le parfum entêtant de l'iode, et même les hurlements omniprésents des mouettes sur le trajet, n'avaient pas suffi à faire taire la petite voix qui lui répétait que quelque chose n'allait pas. Mais quoi? »
Trois adultes et sept adolescents partent sur une ile isolée en pensant y tourner une émission de téléréalité autour d’un jeu d’énigmes dont ils ne connaissent pas les règles. Dès leur arrivée, ils sont étonnés par l’ambiance étrange. Il y a les caméras partout, oui, mais aussi dix pièces d’échec dans le hall d’entrée et des chambres personnalisées selon la thématique d’un conte ou d’un drame mythologique en lien avec chacun. Et certains réalisent qu’ils sont liés les uns aux autres. Rien pour les rassurer, d’autant qu’une première adolescente disparait, puis qu’un garçon se fait dévorer par des chiens. Chaque fois, une des dix pièces d’échec qui se trouvent dans le hall explose. Peu à peu, ceux qui restent comprennent que l’enjeu n’est pas la victoire, mais la survie.
Avec Dix, Marine Carteron a créé une intrigue actuelle et captivante qui revisite l’univers de Dix petits nègres d’Agatha Christie, un hommage rempli de clins d’œil, pour lecteurs avisés : frissons garantis!
J’étais absolument emballée quand j’ai découvert que Marine Carteron « s’attaquait » à une relecture des Dix petits nègres, pour ados, reprenant la trame du célèbre roman d’Agatha Christie pour le mettre à sa sauce. Et je n’ai pas été déçue du tout. C’est sûr que c’est un récit qui ne fait pas dans la demi-mesure, plusieurs scènes vont loin dans la violence, mais il est aussi absolument captivant.
Si les personnages de ce roman choral ne comprennent pas tout de suite dans quelle situation ils se sont embarqués, le lecteur le sait, lui, d’autant plus s’il connait le récit d’Agatha Christie (mais ce n’est pas obligatoire de l’avoir déjà lu). Si c’est le cas, on reconnait le déroulé du récit, mais on admire aussi les touches personnelles que l’autrice française ajoute en cours de route et son esprit absolument tordu. Maniant les rebondissements avec doigté, elle profite de son récit pour faire réfléchir le lecteur aux conséquences de leurs actes et à la posture du témoin face à des gestes terribles, sans jamais tomber dans la pédagogie. Ainsi, on suit la suite des meurtres sur l’ile, mais on découvre aussi les liens qui unissent chacun de ces adolescents (et des adultes), ce fil ténu relié à un morceau de leur passé que la plupart préfèrent oublier.
Si on peut critiquer l’aspect très caricatural des personnages (ce qui entre néanmoins tout à fait dans l’esprit « téléréalité »), on comprend que l’emphase ait été mise sur l’action, d’autant que le roman est court, qu’il y a beaucoup à faire (lire beaucoup de meurtres à effectuer). Par ailleurs, les références aux contes de Perrault, à la mythologie et au texte original nourrissent ce récit qui donne, au final, l’impression de se situer entre le thriller pur et le « livre niché» pour intello. Bien joué!
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